Les Hommes rêvent de gloire

Publié le par Anissartiste

 

Les Hommes rêvent de gloire

 

       

 

«Je marchais seule dans ces rues désertes, et je n’éprouvais aucun besoin, de rien, ni de personne. Aucun individu ne me manquait, je ne voulais voir personne en particulier, ni parler à quiconque. Je me sentais comme planant au-dessus du bitume, dans un calme et une tranquillité absolus. Je pensais à ceux pour qui écrire sur l’esprit et l’action humaine semble sordide, ceux pour qui la poésie est inutile, je pensais que ces gens-là n’avaient sûrement rien saisi à la vie. Ni en long ni en large ni en travers, je me disais que ces gens-là étaient sans aucun doute passés à côté de tout ce qui avait l’ombre d’un sens et d’une finalité, et aussi à côté de la beauté. De la vérité. Depuis toujours, ces êtres en quantité majoritaire sur terre, me paraissaient vides et inintéressants. J’étais seule et je le savais, je le serais toujours et je le savais.


Mais si un jour mon art est reconnu, je pensais, si un jour mon verbe est admiré et ma prose récompensée, alors ce jour, ma solitude m’aura sauvée. Les autres resteront seuls, c’est tout. Je savais que j’avais raison, ai-je encore pensé.


Tout était très calme et silencieux, et j’étais à l’image du paysage. Je me dis alors que j’aimais vivre seule, que c’était ce qu’il fallait pour trouver la paix, faire ses petites affaires et chercher à s’en sortir tout seul, nul besoin de partager, nul besoin de discuter, aucun compte à rendre, aucune colère à donner, aucune convenance à offrir. Se lever, vaquer à quelques occupations intellectuelles, travailler à sa réussite personnelle, gagner son pain, marcher seul et sans le poids du devoir envers autrui, pas totalement désaliéné, car toujours en lien avec la réalité médiatique,- et d’accomplir les devoirs citoyens, et de réfléchir à la situation économique-  mais un peu plus libre tout de même, et, dans le fond, toute liberté est bonne à négocier.


Je me rendais compte à ce moment-là que j’aimais la poète (du dimanche) en mal du monde que j’étais, l’écrivain (qui attend la gloire) se sentant condamnée à être en mal de tout, à aspirer à toujours mieux, quêtant la perfection, la jeune fille indescriptible qu’on ne rencontre nulle part. L’incompréhensible insatisfaite à qui on ne sait que répondre. Et, même si elle m’emmerdait souvent, finalement, j’avais peur qu’un jour, elle s’en aille définitivement.


Alors je continuais de marcher en pensant, elle était là, c’était rassurant. Et passer à côté de toute la merde du monde, en silence.»

Publié dans Mai 2012

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J
J'aime beaucoup cet écrit qui reflète parfois ma pensée.<br /> Bonne fin de journée
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A
<br /> <br /> merci bcp<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
M
Beaucoup moins jeune et moins seule, il m'arrive de souhaiter m'enkyster dans une bulle de solitude aussi parfois et de me tenir ce langage extrême. Et pourtant pour écrire, il faut vivre pour, par<br /> au milieu du monde, observer, écarquiller les yeux et tendre l'oreille... Quel dilemme! Ceci dit, c'est un bel état d'âme, une écriture sincère.
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